jeudi 21 mai 2015

La lumière selon Antoine Valay, chef opérateur


La lumière, un thème à débats 

sur le tournage de Nouveau Départ



La réalisatrice Nausicaa Nairat
"Nous étions à 9h45 chez Maxence pour la découverte des contraintes et le début de l'écriture. Après avoir beaucoup discuté des deux thèmes, la quasi totalité de l'équipe souhaitait prendre la gourmandise alors qu' Antoine, le chef opérateur et moi-même étions plus inspirés par la lumière. Antoine est quelqu'un que j'admire beaucoup et je savais que je pourrais obtenir tout ce que je voulais si je le demandais: toutes nos scènes d'intérieur ont été tournées de nuit et la lumière qu'il a réussit à créer est assez impressionnante. On s'y croirait vraiment!"



Le chef opérateur Antoine Valay 
"Être chef-opérateur d'un film ayant pour thème "La lumière" n'était pas une mince affaire, la lumière aurait une place importante dans le film. Je crois que la lumière est extrêmement liée aux souvenirs, et le film raconte quelque part ce constat. Nous avons eu envie de balayer en un film toutes ces lumières qui ont pu évoquer au personnage principal la présence de ses amis. Une aube crue, un soleil de midi, un coucher de soleil, une nuit de pleine lune devant Les tontons flingueurs... Nous avons organisé notre plan de travail de manière à jouer avec la lumière naturelle le plus longtemps possible, les 24h étant un réel défi. Le coucher de soleil était un élément important du film : c'est un basculement vers la nuit, un seuil de vie, une lisière. Nous l'avons exploitée jusqu'aux dernières lueurs qui découpaient ce lieu étonnant bordant la route où les amis de Charlie ont eu un accident. Ils deviennent des ombres, ils disparaissent progressivement, la caméra les encercle comme pour saisir leurs derniers instants, cherchant à les poursuivre alors qu'ils courent vers l'infini. Le film entretient un retour perpétuel à un référentiel qui se dilue progressivement, celui de l'état actuel de Charlie, seul face au dernier objet qui le lie à son passé heureux : le vinyle, cadeau d'anniversaire qui le replonge avec ses amis. L'objet est le prétexte du souvenir, le moyen de liaison étant la lumière. Lorsque le vinyle s'arrête et qu'il scintille désormais sous un coucher de soleil rougeoyant, un phare de voiture vient à nouveau le replonger dans ses souvenirs, cette vive lumière qui l'éblouit lui évoque les phares des voitures qui ont renversé ses amis. Une fois de plus la lumière transporte le personnage dans cet ailleurs du souvenir. La lumière est la voie royale du souvenir comme on dit que le rêve est la voie royale de l'inconscient chez Freud. Enfin, le dernier plan du film est un nouveau départ. Charlie se retrouve au coucher du soleil sur la fameuse route où quelques jours plus tôt il a perdu ses amis. Sa trajectoire s'élance vers le soleil qui se couche : la lumière attire Charlie vers ces dernières lueurs du souvenir, pour leur donner une nouvelle couleur, une nouvelle saveur, celle d'un nouveau départ."

lundi 18 mai 2015

"Nouveau départ", de Nausicaa Nairat

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Tout au long de ce tournage, ils étaient sept. Sept, ce chiffre que l'on dit "magique" dans les mythes et les contes, sept pour se lancer dans l'aventure de ce court-métrage Nouveau départ, qui a cette année remporté le Prix du public dans la catégorie étudiant.

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Nausicaa Nairat

 

       Aventure cinématographique, oui ! Mais aussi aventure humaine car Nouveau départ rassemble des jeunes de tous les horizons. Nausicaa Nairat, la réalisatrice, explique avoir rencontré Antoine Valay, le chef opérateur, cet automne sur le tournage de Toute seule, un court métrage d'Arnaud Dumé. Ensemble, ils ont réalisé un clip (Génocide, du groupe de métal ghUSa: https://m.youtube.com/watch?v=LRpjHfa_D3s) juste avant le festival Turbo Film pour lequel elle n'avait pas encore d'équipe complète. Seuls les deux acteurs masculins avaient déjà été repérés par la jeune réalisatrice: Maxence un ami du BTS audiovisuel, avec lequel elle projetait de travailler et Damien qu'elle avait déjà croisé l'an passé dans Terminus, réalisé par Romain Le Roux. "J'ai eu l'occasion de rencontrer Damien pendant un tournage. J'arrivais un peu à l'improviste et ne connaissais que l'équipe technique. J'ai été impressionnée par son jeu. Une scène m'a particulièrement marquée: il exprimait sa souffrance à son père et j'ai trouvé son jeu très juste et émouvant. C'est pourquoi je lui ai proposé de travailler avec mon équipe pour Terminus en 2014 et avec moi cette année pour Nouveau Départ. Il est vrai qu'au niveau du jeu, j'ai préféré mettre Damien dans le rôle le plus sombre parce que, selon moi, c'est ce qui lui va le mieux. " Damien Carré, interprète du rôle de Charlie dans Nouveau Départ, ajoute que le film est finalement le résultat de la personnalité différente de chacun des acteurs: s'il aime à se glisser dans des rôles de héros tragique, il reconnait le potentiel comique de Maxence Melchior (Al dans le film) - "Maxence sait quand faire des blagues" - et la douceur qu'apporte Léa Valade au personnage de Lola. "En 24H, il est difficile de se mettre vraiment dans la peau d'un personnage. Au début, il y a toujours un froid, puis les émotions viennent d'elles-mêmes" souligne Damien. Léa, qui avait déjà suivi quelques cours de théâtre au Lycée Chagall avec le professeur Grégory Dominé, découvre alors à quel point le cinéma et le théâtre diffèrent: "au théâtre, il y a beaucoup d'exagération". Une exagération en effet absente de Nouveau départ où tout est suggéré. Point de grandes tirades dramatiques comme au théâtre. La réalisatrice et son équipe n'ont pas souhaité faire de ce film un récit chronologique, ce qui explique que l'on s'y perde parfois, et qu'il soit difficile de démêler souvenirs et moments présents... Le souvenir est désordre, obsession, il hante puis repart, d'où ces moments de flashs, d'échos.
       La réalisation du court-métrage a d'emblée échu à Nausicaa, "une femme forte, très directive, qui sait ce qu'elle veut", témoignent Damien et Léa. Une forte personnalité rassurante pour les deux acteurs, qui se sont sentis en confiance et bien dirigés. Nausicaa avait pourtant quelques craintes quant à ce rôle de réalisatrice, tout nouveau pour elle :"J'ai rencontré Léa le jour même et le courant est tout de suite passé, et même si j'avais quelques appréhensions au début, je n'ai au final eu aucune difficulté concernant la direction d'acteur. J'ai essayé de leur donner le plus de liberté possible dans le jeu afin que le rendu soit naturel. Maxence étant le roi de l'impro, j'ai préféré lui indiquer les démarches globales à suivre, tout en le laissant libre. Je donnais plus de directives à Damien car ses actions étaient importantes pour comprendre l'histoire."

L'histoire...


Charlie met un vinyle sur le tourne-disque, et la pièce sombre et vide change à la première note de musique: Lola et Al, ses deux amis disparus, réapparaissent, et la lumière s'allume. Musique et lumière réactualisent le souvenir, elles lui redonnent vie. Le vinyle est un cadeau, représentatif de leur amitié; la lumière, une belle et fragile indication de la vie soudain remplacée par la mort. Tout au long de ce film tout en flash-back et en moments subtiles, la lumière est là, associée à des épisodes heureux - Lola photographiant ses amis sous une chaude lumière, symbole de leur complicité - et tragiques - quand Lola et Al jouent joyeusement et dangereusement sur la route, sans se douter un seul instant que le noir va bientôt se refermer sur eux. Si le début du court-métrage prend la forme d'une succession de petite scènes légères, où l'on ressent la vivacité de leur jeunesse, la suite est plus sombre, plus lourde, comme si pesaient déjà sur eux le nuage de la fatalité. Plusieurs voitures les frôlent de près, et les injonctions de Charlie: "Revenez", restent vaines. Lui-même est filmé dans l'ombre, de dos, comme si sa présence n'était de toute façon plus assez forte pour empêcher le destin d'accomplir son œuvre. Sa voix, nonchalante, contraste de plus avec sa peur d'un accident: pourquoi ne crie-t-il pas ? Pourquoi ne se déplace-t-il pas pour les ramener en arrière, loin de la route ? Ce jeune homme qui n'aimait jamais les cadeaux que ses amis lui offraient n'éprouvait-il pas non plus envers eux des sentiments assez forts pour avoir une réelle envie de les sauver ? Apprendre à aimer, peut-être est-ce finalement le nouveau départ de Charlie...  

La lumière et le temps le lui ont soufflé.

vendredi 15 mai 2015

"Où est Charlie ?", un court-métrage d'Elise Combes


Pour Élise, Marie-Eve et Chloé, la journée de tournage a commencé à 9H.        Les trois amies, étudiantes à l'ESAD (École Supérieure d'Art et de Design) à Reims, ont vécu le festival comme une aventure divertissante, et dès le début de la journée, beaucoup d'idées leur sont venues à l'esprit, en "vrac"!


      Contrairement aux autres festivaliers, qui ont privilégié la présence humaine, les jeunes filles ont opté pour le film d'animation. "Nous ne nous sentions pas à l'aise avec le jeu d'actrice, et nous voulions faire quelque chose d'un peu immatériel". Avec leurs deux lampes colorées qui discutent entre elles d'un vinyle qu'elles ne retrouvent pas, les réalisatrices créent une situation où l'immatériel se mêle au cocasse: "nous aimons le comique, et si les lampes font bien sûr penser aux films produits par Pixar, la référence reste involontaire."


      Véritables héroïnes de l'action, les lampes, auxquelles elles ont prêté leurs voix, sont rigolotes, graciles et vives, même si elles se révèlent très préoccupées par le vinyle disparu. Dans leur film, les objets prennent vie, ils ont une âme, ils réagissent, ils font des rencontres, et leurs émotions sont si fortes, si vraies, que le spectateur s'attache à eux et s'intéresse à leur quête. Pour une fois, c'est lui qui est immobile alors que les objets sont en mouvement ! Il s'aperçoit alors à quel point un objet peut surprendre, au sens propre du terme, même si à aucun moment, le spectateur doute que les deux lampes ne fassent la lumière sur les évènements, sur la soudaine disparition du vinyle Charlie ! Élise, Marie-Eve et Chloé ont décidé de rester en retrait et de laisser la totalité de la scène à leurs objets, qui se baladent un peu partout: dans un appartement, dans une rue, et même dans la cathédrale, parmi les chaises en bois où croyants et touristes s'assoient si souvent pour se recueillir et / ou admirer ce lieu. Pendant qu’Élise photographiait les scènes successives, Marie-Eve et Chloé "tiraient les fils" de leurs actrices improvisées, un long travail, qui requiert patience et précision. Une fois chaque mouvement photographié, le montage, réalisé sur Première, leur a donné vie.

mardi 5 mai 2015

"Cassos Cassoulet", un court-métrage de François Brié



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Voilà trois ans que François Brié et Romain Sidan participent au festival Turbo film.  Après avoir tourné Flou en 2012, et Agence Colomba en 2013, ils marquent une petite pause en 2014 et répondent à nouveau présents à l'appel de ce Festival 2015. Ils gagnent le Prix du Meilleur Scénario, décerné par le jury professionnel.

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      Si certains décident d'arriver sans scénario pré-écrit le jour J,  d'autres se lancent quand même dans l'écriture, parce qu'ils ont besoin de mots, d'idées, de matériaux concrets avant de s'embarquer dans l'aventure. La veille du festival, François et son équipe de tournage se sont donc réunis pour faire une table ronde et discuter. Toujours dans l'optique de glaner quelques idées et aussi par envie personnelle, l’un des scénaristes, Romain Sidan, s’est rendu au Festival International du Court-métrage de Clermont-Ferrand, qui avait cette année lieu du 30 janvier au 7 février. Cette plongée dans d’autres œuvres cinématographiques a suggéré quelques pistes au jeune scénariste.
      Écrit la veille du festival, son scénario a servi de canevas et non de texte à suivre impérativement, l’annonce des contraintes le samedi matin étant bien sûr venue tout bouleverser. « On s’est demandé comment parler du « lapin » de façon naturelle ! On ne voulait pas que les contraintes apparaissent de manière flagrante. » rapporte François. La lumière, « compliquée à retravailler », a d’emblée été écartée des possibilités au profit de la gourmandise: « J’avais un pot de cassoulet chez moi, nous avons décidé lui donner un rôle dans l’intrigue » explique François avec humour. Cette idée, qui n’était pas dans le scénario, en a entraîné d’autres : « on a fait de Charlie un personnage allergique au piment d’Espelette ». Le pauvre, il en meurt même…


A la vue des ces ajouts fantaisistes qui ont rendu son scénario vivant tout en s’en éloignant quelque peu, Romain Sidan s’est dit : « ahhh, ils ont fait ça comme ça ! » Et voilà le scénariste plongé dans l’expérimentation au même titre que les acteurs ! Surprises et légèreté, voilà ce que nous promet le court-métrage de François Brié, actuellement étudiant en dernière année de BTS Audiovisuel, Section Exploitation. Dans "Cassos Cassoulet", les cassos sont gentils, et acceptent la mort de leur ami sans en faire un drame. Ils sont candides mais débrouillards. Romain avoue avoir été inspiré par les beaufs au comportement léger du film d’Hubert Charruel, K-Nada, et si François, le réalisateur, souhaitait au début deux personnages principaux contrastés - l’un très stressé par la mort de Charlie, et conscient de la gravité de l’évènement, et l’autre désinvolte face à ce drame inattendu - il avoue s'être rendu compte que les deux héros étaient devenus semblables au fur-et-à-mesure du tournage. Bien que conscients de cette entorse faite au scénario, ils ont accepté que celui-ci prenne vie et évolue.


Les lieux du tournage ? 
Le quartier du Conservatoire et le centre-ville ont accueilli l'équipe de "Cassos Cassoulet".
Le matériel utilisé:  
Un reflex Nikon, et un steadicam afin que les prises de vue en travelling soient stables et fluides. 
Réaction du réalisateur:
« 24h, c’est court, on est donc allé au plus simple, et on ressent toujours un petit stress à la vue de notre film projeté sur grand écran »