lundi 18 mai 2015

"Nouveau départ", de Nausicaa Nairat

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Tout au long de ce tournage, ils étaient sept. Sept, ce chiffre que l'on dit "magique" dans les mythes et les contes, sept pour se lancer dans l'aventure de ce court-métrage Nouveau départ, qui a cette année remporté le Prix du public dans la catégorie étudiant.

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Nausicaa Nairat

 

       Aventure cinématographique, oui ! Mais aussi aventure humaine car Nouveau départ rassemble des jeunes de tous les horizons. Nausicaa Nairat, la réalisatrice, explique avoir rencontré Antoine Valay, le chef opérateur, cet automne sur le tournage de Toute seule, un court métrage d'Arnaud Dumé. Ensemble, ils ont réalisé un clip (Génocide, du groupe de métal ghUSa: https://m.youtube.com/watch?v=LRpjHfa_D3s) juste avant le festival Turbo Film pour lequel elle n'avait pas encore d'équipe complète. Seuls les deux acteurs masculins avaient déjà été repérés par la jeune réalisatrice: Maxence un ami du BTS audiovisuel, avec lequel elle projetait de travailler et Damien qu'elle avait déjà croisé l'an passé dans Terminus, réalisé par Romain Le Roux. "J'ai eu l'occasion de rencontrer Damien pendant un tournage. J'arrivais un peu à l'improviste et ne connaissais que l'équipe technique. J'ai été impressionnée par son jeu. Une scène m'a particulièrement marquée: il exprimait sa souffrance à son père et j'ai trouvé son jeu très juste et émouvant. C'est pourquoi je lui ai proposé de travailler avec mon équipe pour Terminus en 2014 et avec moi cette année pour Nouveau Départ. Il est vrai qu'au niveau du jeu, j'ai préféré mettre Damien dans le rôle le plus sombre parce que, selon moi, c'est ce qui lui va le mieux. " Damien Carré, interprète du rôle de Charlie dans Nouveau Départ, ajoute que le film est finalement le résultat de la personnalité différente de chacun des acteurs: s'il aime à se glisser dans des rôles de héros tragique, il reconnait le potentiel comique de Maxence Melchior (Al dans le film) - "Maxence sait quand faire des blagues" - et la douceur qu'apporte Léa Valade au personnage de Lola. "En 24H, il est difficile de se mettre vraiment dans la peau d'un personnage. Au début, il y a toujours un froid, puis les émotions viennent d'elles-mêmes" souligne Damien. Léa, qui avait déjà suivi quelques cours de théâtre au Lycée Chagall avec le professeur Grégory Dominé, découvre alors à quel point le cinéma et le théâtre diffèrent: "au théâtre, il y a beaucoup d'exagération". Une exagération en effet absente de Nouveau départ où tout est suggéré. Point de grandes tirades dramatiques comme au théâtre. La réalisatrice et son équipe n'ont pas souhaité faire de ce film un récit chronologique, ce qui explique que l'on s'y perde parfois, et qu'il soit difficile de démêler souvenirs et moments présents... Le souvenir est désordre, obsession, il hante puis repart, d'où ces moments de flashs, d'échos.
       La réalisation du court-métrage a d'emblée échu à Nausicaa, "une femme forte, très directive, qui sait ce qu'elle veut", témoignent Damien et Léa. Une forte personnalité rassurante pour les deux acteurs, qui se sont sentis en confiance et bien dirigés. Nausicaa avait pourtant quelques craintes quant à ce rôle de réalisatrice, tout nouveau pour elle :"J'ai rencontré Léa le jour même et le courant est tout de suite passé, et même si j'avais quelques appréhensions au début, je n'ai au final eu aucune difficulté concernant la direction d'acteur. J'ai essayé de leur donner le plus de liberté possible dans le jeu afin que le rendu soit naturel. Maxence étant le roi de l'impro, j'ai préféré lui indiquer les démarches globales à suivre, tout en le laissant libre. Je donnais plus de directives à Damien car ses actions étaient importantes pour comprendre l'histoire."

L'histoire...


Charlie met un vinyle sur le tourne-disque, et la pièce sombre et vide change à la première note de musique: Lola et Al, ses deux amis disparus, réapparaissent, et la lumière s'allume. Musique et lumière réactualisent le souvenir, elles lui redonnent vie. Le vinyle est un cadeau, représentatif de leur amitié; la lumière, une belle et fragile indication de la vie soudain remplacée par la mort. Tout au long de ce film tout en flash-back et en moments subtiles, la lumière est là, associée à des épisodes heureux - Lola photographiant ses amis sous une chaude lumière, symbole de leur complicité - et tragiques - quand Lola et Al jouent joyeusement et dangereusement sur la route, sans se douter un seul instant que le noir va bientôt se refermer sur eux. Si le début du court-métrage prend la forme d'une succession de petite scènes légères, où l'on ressent la vivacité de leur jeunesse, la suite est plus sombre, plus lourde, comme si pesaient déjà sur eux le nuage de la fatalité. Plusieurs voitures les frôlent de près, et les injonctions de Charlie: "Revenez", restent vaines. Lui-même est filmé dans l'ombre, de dos, comme si sa présence n'était de toute façon plus assez forte pour empêcher le destin d'accomplir son œuvre. Sa voix, nonchalante, contraste de plus avec sa peur d'un accident: pourquoi ne crie-t-il pas ? Pourquoi ne se déplace-t-il pas pour les ramener en arrière, loin de la route ? Ce jeune homme qui n'aimait jamais les cadeaux que ses amis lui offraient n'éprouvait-il pas non plus envers eux des sentiments assez forts pour avoir une réelle envie de les sauver ? Apprendre à aimer, peut-être est-ce finalement le nouveau départ de Charlie...  

La lumière et le temps le lui ont soufflé.

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