mercredi 29 avril 2015

"115", un court-métrage de Mohammad et d'Ahmad Malas

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  Arrivés en France depuis deux ans, Ahmad et Mohammad Malas ont déjà une petite carrière artistique derrière eux. Les deux frères ont suivi des cours de théâtre en Syrie,  où ils étaient aussi connus pour avoir créé un petit théâtre dans leur appartement, "le plus petit théâtre du monde" précisent-ils. Dans ce théâtre improvisé pouvant accueillir une vingtaine de personnes, ils ont monté une centaine de pièces de théâtre de 2003 à 2011. Le succès était au rendez-vous, le livre des records les avaient même contactés, mais leur indépendance ne convenait pas au gouvernement syrien…    

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Plusieurs fois, ils ont monté des pièces de Molière, de Shakespeare, mais aussi des pièces de Saadallah Wannous, dramaturge syrien qui s’installa quelques temps à Paris pour étudier le théâtre à la fin des années 60. Saadallah Wannous fit alors la connaissance de Genet, et découvrit le théâtre de Weiss, de Beckett et de Brecht. Il revint en Syrie enrichi de nouvelles influences et son "écriture dramatique [resta] fortement influencée par les tendances modernes du théâtre occidental, tout en s’inscrivant dans le prolongement du patrimoine théâtral syrien et arabe."

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      Très proches, Mohammad et Ahmad Malas tentent ensemble toutes les expériences cinématographiques qui se présentent à eux. Dans leurs précédents films, "Hagez" (Visible ici: https://www.youtube.com/watch?v=nHTg81Ycwmc) et "Syria inside" (https://www.youtube.com/watch?v=yZKt29I9sgM), ils sont tous les deux acteurs, alors qu'ils s'essayent à la réalisation avec le Festival Turbo film.
Comment ont-ils été mis au courant de l'existence du festival ? Apparemment, l'affiche où trône le lapin les a attirés.. et ils avouent s'être fait expliquer par des amis français le concept des 24H. Les frères Malas révèlent s'être retrouvés dans la même situation précaire que le personnage principal de leur court-métrage "115" à leur arrivée en France. Ils ont vécu la solitude, la déception de ne pas trouver de toit, le froid... Leur intrigue s'est donc formée à partir d’une situation autobiographique, même si les deux frères ont retravaillé cette expérience personnelle pour donner naissance à un film : « on a discuté pour trouver le caractère du film, son style.» Leur travail a d'ailleurs été récompensé: gagnants du Prix Meilleur film dans la catégorie étudiant, ils ont été félicités par le réalisateur et président du jury professionnel Hubert Charruel. "Il y a une vraie proposition de cinéma. Vous avez traité d'un thème compliqué d'une façon simple" a ajouté le réalisateur. Que ce soit quand il appelle le 115 pour avoir un lit ou dormir, ou quand il apprend la conjugaison française dans un petit livre, le personnage principal est toujours actif, et jamais il ne tombe dans un pathos exagéré malgré sa situation désespérée. Ils ont choisi de faire de leur personnage un étranger qui aime le théâtre, la musique : il apprécie tous les arts. Le masque qu'il porte symbolise le masque commun et donc l’histoire commune de chaque étranger. Le "Je suis Charlie mais je suis étranger" résonne amèrement...


        Pour certains spectateurs, la fin était claire, pour d’autres non, et Ahmad de dire : "le cinéma ne doit jamais être trop évident. » Pourquoi tourner près de l’Université des Lettres et Sciences Humaines ? « Les coquilles de la fac de Reims sont très jolies, et nous voulions créer un contraste entre l’architecture recherchée et la situation tragique du personnage ». Le froid qui régnait ce jour-là a ajouté un surplus de réalisme à la scène, de même que le bon rythme de diction de l’acteur, qui a d'ailleurs reçu le prix du meilleur acteur dans la catégorie étudiant.
        Tourné avec une caméra Canon 6D, et monté sur iMovie, le film représente un grand moment pour les deux frères : « nous sommes contents d’avoir participé au festival Turbo film. En France, nous avons des idées, du temps, et nous sommes libres de participer, alors qu’en Syrie, la police était toujours après nous.»

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